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Hommage à Philippe Beaussant (1930-2016)


« FUGUE DE LA RENAISSANCE AU BAROQUE, DU VISUEL A LA MUSIQUE  »
Hommage à Philippe Beaussant (1930-2016)

« L’art italien, de Giotto à Léonard de Vinci, avait été un art de la « présence » dans l’espace. Une madone de Raphaël, comme la Vénus de Botticelli ou un portrait du Titien, quels que soient son mystère et sa distance, c’était quelque chose d’offert à notre regard et qui ne s’esquivait pas. Même le brouillard dont Léonard de Vinci noyait ses personnages ne les refusait pas à notre contemplation.

Or peu à peu, voici que la peinture se transforme : le mouvement s’y installe. Un tableau de Tintoret est une tragédie qui se passe dans le temps qui fuit. Il n’est plus un donné, une présence : il se dérobe. Les personnages vont et viennent ; le temps s’est saisi d’eux – et la mort est au bout. L’architecture elle-même se met en mouvement : les façades s’incurvent, se remplissent de feintes. L’illusion d’optique devient un art.

C’est que le baroque n’est pas seulement, comme on le croit, l’art de la courbe et de la contre-courbe. C’est d’abord l’art de ce qui bouge, de ce qui fuit. Il est l’art d’une époque qui préfère le reflet à la chose, qui aime les jeux de miroirs, l’ambigu, la métamorphose, le multiple, le fuyant, le contraste. Or tout ce qu’aime le baroque se dit mieux en musique que dans les arts de l’espace. La musique se meut dans le temps. Elle s’efface aussitôt que saisie – ou plutôt elle ne se saisit pas, elle effleure l’esprit et disparaît. Elle est un art du mouvement. Ce qu’elle dit ne s’impose pas comme une figure, mais se suggère. »


Philippe Beaussant, Histoire de la Musique occidentale,
sous la dir. de Jean et Brigitte Massin, Fayard (éd.  2008)