{ AUX PORTES DE CHAMBORD… LE CHATEAU DE MEUNG-SUR-LOIRE… }



Pourquoi « Barock sur Loire » ?


J’ai toujours été frappé par les affinités électives pour le rock au sens large, et le baroque, en particulier chez les jeunes. Invité à découvrir les choix des morceaux collectés dansleurs petits « transistors » modernes (Mp3, Ipad et compagnie) des enfants

adolescents de mes amis, ou de mes élèves, j’ai remarqué assez souvent, une juxtaposition des titres de rap ou de slam avec les bandes-sons de films comme Farinelli ou Tous les matins du monde… Cecilia Bartoli ou Philippe Jaroussky y trouvent aussi toute leur place.
J’y ai cherché une filiation. Il me semble que quelques points communs se dégagent de la confrontation-juxtaposition : même pulsation souvent à 100 à la noire (le rythme du battement de coeur), parfois obstinée et entêtante, « ostinato », presque proche de la transe, absence ou presque de modulations, mélodies simples et facilement mémorisables, paroles élémentaires le plus souvent, mouvements syncopés fréquents, borderline, à la limite du déséquilibre baroque. L’exemple (plus classique que baroque) de l’Adagio de la Sérénade en si bémol majeur K361 (superbement mis en scène par Milos Forman pour son Amadeus) pour treize instruments à vent (dite « Gran Partita ») de Mozart (1781), si elle module admirablement, ressemble à bien des égards, sur les points précités, à « Fight the Power » de Public Enemy, deux siècles plus tard (1989) : pour le premier, soupir/deux doubles-croches/demi-soupir/ deux doubles-croches/demi-soupir/deux doubles-croches/demi-soupir/double-croche/deux doubles-croches/demi-soupir/deux doubles-croches/demi-soupir/deux double-croches/, etc. ; et pour le second, soupir/deux doubles-croches/demi-soupir/double-croche/deux demi-soupirs/double-croche/deux demi-soupirs/deux doubles-croches, etc…
La pulsation rythmique est très exactement la même.
Alors, ce titre « Barock sur Loire » donné au festival par ses organisateurs, présente non seulement une commodité internationale, mais souligne ce qui peut réunir tous les publics, savants et populaires, jeunes et moins jeunes, amateurs de musique baroque et classique, ou fans de rock, de rap, de pop et de slam.
Bienvenus à tous les fous de musiques, révolutionnaires (comme Mozart et Public Enemy), ou non, ouverts à tous les styles, par-delà les époques et les étiquettes.

Alex Corton, musicologue, sept. 2017.